Les OPAH, opérations programmées de l’habitat, proposent un dispositif dans lequel les aides apportées aux propriétaires de logements (subventions aux travaux) s’inscrivent dans un projet plus vaste de requalification d’un secteur urbain. Les “actions d’accompagnement”, en réalité les actions urbaines conçues par les villes sur les équipements et espaces publics créent un cadre de valorisation plus large pour les logements figurant dans le périmètre d’une OPAH.
Malgré cette préoccupation d’aménagement, au sens large, inscrite dans la vocation des OPAH, nombreuses sont encore celles qui se restreignent à de simples actions “de marché” : améliorer les logements (et concourir parfois à l’embourgeoisement des quartiers), récupérer des logements vacants, actions qui, replacées dans certains contextes, peuvent avoir un rôle décisif.
Mais il apparait fréquemment dans les centres des villes, que cette action demeure insuffisante à changer ou à faire évoluer un quartier, notamment lorsque l’importance des contraintes liées aux structures historiques oppose une forme d’inertie.
La morphologie d’un quartier constitué
Elle repose en effet sur plusieurs entités : le logement proprement dit, le bâtiment dans lequel il prend place avec ses parties communes, la parcelle privative qui l’accueille et qui peut comporter des espaces libres de construction, les autres parcelles privatives voisines avec lesquelles elle forme un îlot, avant de buter sur l’espace public de la rue. Cette organisation complexe forme le tissu urbain, sorte de combinatoire d’espaces et de statuts, où s’entremêlent les aspects techniques, juridiques, sociaux.
Faire évoluer les tissus anciens ne peut se cantonner à l’action sur le seul logement et son seul propriétaire. Souvent, d’ailleurs, cette action est limitée par le contexte de l’immeuble, de l’îlot. Problèmes de vues, de configuration, d’accès, empêchent de requalifier pleinement le “bien logement”. En ce sens, l’entrée privilégiée traditionnelle de l’OPAH, qu’est le logement, est insuffisante à traiter de ces différentes dimensions.
Il est dommage, dans certains cas, que le choix de concentrer des financements sur un secteur précis pour produire un effet d’image, de préservation et d’évolution, ne puisse bénéficier d’une réflexion plus approfondie sur la structure foncière associée à celle du bâti, afin de vraiment mesurer les facteurs de mutation possibles et souhaitables. Or ceux-ci ne se limitent pas à la voirie ou au logement, mais peuvent conduire à démolir partiellement en cœur d’îlot, à percer de nouveaux passages, à remembrer le foncier, à mobiliser des propriétaires institutionnels, publics ou privés.
Dans cette recherche de complémentarité entre le logement et le tissu urbain, dans cette volonté de conciliation entre le patrimoine et les valeurs d’usage, entre une ville de qualité et une ville animée, qu’appellent de leurs vœux de nombreux acteurs et professionnels de l’urbanisme et de l’architecture, les OPAH peuvent cependant jouer un rôle important.
Les interventions des OPAH
Les OPAH offrent en effet un cadre d’intervention approprié pour la prise en compte des différentes dimensions du cadre urbain.
Dans leur fonctionnement même, elles possèdent la potentialité pour faire émerger les contraintes et proposer des outils adaptés.
Le caractère négocié des OPAH forme un premier atout.
La Convention d’OPAH découle en effet d’un accord tripartite entre l’État, l’ANAH et la collectivité locale pour définir les objectifs de l’opération.
D’autres institutions peuvent y être intéressées financièrement. L’intervention en faveur d’un propriétaire privé prend place dans un dispositif institutionnel public qui a la capacité d’énoncer et de mettre en œuvre des objectifs. À cette étape, la dimension patrimoine peut être intégrée comme une des commandes passées à l’OPAH.
Le caractère multicritères des analyses en forme un second.
Les études d’OPAH ont vocation à replacer l’intervention sur le logement dans le contexte local. La notion de contexte est large et vise à ressortir les enjeux, les conflits d’intérêts, les difficultés repérées, parmi lesquelles peuvent figurer le caractére dépendant de l’amélioration d’un logement envers la mutation d’une structure parcellaire ou d’immeuble, les surcoûts que cela peut générer, les problèmes en termes de conduite de projet, de qualité ou de phasage.
La compatibilité entre différents domaines d’intervention et les possibilités d’articulation entre eux sera examinée dans une étude préalable d’OPAH, si aucune réflexion précédente n’a traité de ces aspects.
L’OPAH adapte la conduite d’opération aux enjeux rencontrés.
La mission de suivi-animation, qui met en œuvre l’OPAH, comporte désormais des facettes variées, compte tenu des contextes et des besoins. l’OPAH n’est pas la reproduction d’un site à l’autre d’une procédure standard. Les équipes, parfois composées “sur mesure”, doivent définir et proposer à leurs maîtres d’ouvrage des prestations en écho avec les problèmes posés. L’évolution des métiers les incite à intégrer les dimensions du patrimoine, des techniques, les montages juridiques éventuels.
La mission d’animation offre en outre l’avantage d’un interlocuteur qui peut fédérer différents apports financiers, publics et privés, et agir dans la direction d’une ingénierie globale de projet. Au moment de la composition de l’équipe et de la définition de ses missions, les savoir-faire requis pour intégrer les contraintes liées au patrimoine doivent être représentées.
La production de résultats est une condition de l’’OPAH, opération limitée dans le temps. L’OPAH est une démarche de réalisation qui repose sur une appréciation de la faisabilité et la recherche de résultats visibles. Elle cherche à concilier des contraintes. Elle peut donc fournir le cadre d’une négociation globale, à l’échelle d’un îlot complexe, pour parvenir à une valorisation satisfaisante du patrimoine. Si on lui conteste cette logique économique (conditionnée aussi souvent par une logique sociale) en craignant qu’elle ne se réalise au détriment de la qualité et du patrimoine, force est de constater qu’au moins elle invite à faire évoluer, à concilier des intérêts parfois divergents, qu’elle peut mobiliser les propriétaires privés. Plusieurs OPAH se succèdent parfois sur un même secteur, en modifiant leur angle d’approche et en affinant leurs outils d’intervention.
La cible de l’OPAH, via son ressort financier, reste le propriétaire de logement. Mais la valeur des biens immobiliers est tributaire du contexte immédiat du bâti et des contraintes que celui-ci peut poser.
On a coutume de dire que les OPAH ont réalisé les opérations les plus faciles dans les années 80. Restent à traiter les “points durs”, ceux qui requièrent des montages particuliers, des compétences et des moyens conjugués, une sorte d’ingénierie globale du tissu urbain à définir au cas par cas.
Parmi les qualités des OPAH, et certaines ont fait la preuve de leur adaptation à de telles situations, il y a la possibité d’offrir une opportunité, un cadre de réflexion (au moment de l’étude préalable), puis un cadre d’intervention (au moment de la mise en œuvre) à de tels montages. En ce sens, les professionnels du patrimoine et, en particulier les ABF, peuvent trouver en l’OPAH une occasion pour que les dimensions du patrimoine soient prises en considération. Ils le peuvent en amont, lors de l’élaboration du cahier des charges et, en aval, dans le suivi de l’opération elle-même.
Laurence Dini
GERAU Conseil